ANAÏS MARION

Catalogue Prix d’art Robert Schuman

Ce mois de décembre 2019 est paru le catalogue de l’édition 2019 du Prix d’art Robert Schuman. Marc Aufraise y signe un texte sur mon travail :

 » Anaïs Marion parcourt inlassablement les scènes où s’écrit l’Histoire, ces zones de tensions, militaires, sociales ou symboliques, passées ou présentes. Elle enregistre des traces, elle collecte des vestiges, elle achète des souvenirs. Elle agence ensuite ces copies et ces trésors factices. Ses fétiches combinatoires nous invitent à examiner la notion trouble de patrimoine : entre l’idéal universel, l’instrument de pouvoir politique et le produit de consommation, les déplacements sont insidieux.

Depuis 2013, elle catalogue ses visites dans les lieux de commémoration. Elle garde les brochures et s’offre des gadgets vendus dans les boutiques. Sa collection, Atlas Bellone, inventorie ce cheminement dans l’absurde qui relie des jalons de l’histoire de l’Europe au XXe siècle. Avec son installation, elle construit un espace d’étude qui matérialise l’écart paradoxal entre des artefacts reproductibles à bas coût, souvent grossiers, et des événements dont les conséquences façonnent les relations internationales. Ses éditions possèdent l’apparente valeur objective de l’encyclopédie ; ses classements par thèmes, lieux, dates, ses schémas, ses tableaux s’approprient les codes des nomenclatures scientifiques, archivistiques ou administratives. En toile de fond, de la fausse monnaie et une main tenant une perche à selfie soulignent la manipulation, au cœur de sa pratique comme de l’industrie culturelle.

L’installation Baghdadbahn (une ligne dans le désert) condense le long d’un mur son périple de Berlin à Bagdad, de la Mésopotamie à l’Irak. De gare en gare, se mêlent légendes, chroniques historiques et aléas des franchissements de frontières. Les vidéos, les photographies, les objets fixent des repères d’espaces traversés, symboles du délitement des tentatives de contrôle politique. Ces îlots cristallisent également l’inatteignable, images des mythes partagés, continuellement réutilisées mais aux significations inépuisables. « Tu sais que je resterai sur le seuil » confie l’artiste au Lamassu, créature de Mésopotamie, berceau de notre écriture. »